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Histoire de l’ile Maurice

Une île déjà connue bien avant l’arrivée des Européens

Si la « découverte » de l’île, par les navigateurs portugais en route pour les Indes, remonte aux premières années du XVIème siècle, on sait, aujourd’hui, que les marins arabes l’avaient déjà repérée. Sur les quelques rares documents qui nous sont parvenus, on trouve ainsi une île dont la localisation correspond à peu près à celle de Maurice, et baptisée « Dina Arobi », ou Dina Robin

Même si le capitaine portugais Dias avait longé les côtes de l’île le 02 août 1500, ce n’est qu’en 1511 que Domingo Fernandez débarque sur l’île, qu’il baptiseIlha do Cirne (Ile du Cygne). On suppose que cette étrange appellation fait référence au dodo…
Les Portugais ne colonisent pourtant pas l’île. Ils, se contentent de s’en servir comme point de réapprovisionnement en vivres et eau douce, sur la route de leurs possessions d’Asie.

La colonisation hollandaise

Il faut attendre près d’un siècle, pour que, le 20 septembre 1598, les Hollandais, débarquant au Sud de l’île, en prennent officiellement possession. Ils lui donnent le nom de Mauritius en hommage à leur prince, le Stathouder Maurice de Nassau !
Cette première implantation humaine permanente provoque de profonds bouleversements. En effet, des espèces animales et végétales étrangères, sont introduites sur l’île et vont modifier l’équilibre naturel du milieu local. Parmi ces espèces « importées », on peut citer la canne à sucre, des arbres fruitiers originaires d’Asie, le cerf de Java, le bétail, les singes, mais aussi les rats et les chiens…

Les Hollandais procèdent également à un important défrichement, au détriment de la forêt primaire et exterminent les espèces animales les moins farouches, comme le lamentin et le dodo !C’est aussi durant la période hollandaise que sont introduits à Maurice les premiers esclaves ! C’est d’ailleurs après de violentes révoltes d’esclaves que les Hollandais quittent Mauritius en 1710.

La colonisation française et Mahé de la Bourdonnais

Cinq années plus tard, 20 septembre 1715, les Français, déjà installés à Bourbon (La Réunion), prennent possession de l’île, qui devient alors, et pour près d’un siècle, l’Isle de France ! Ayant tirés les leçons de l’échec hollandais, les Français veulent faire de cette île une véritable colonie de peuplement. Cette politique sera surtout mise en oeuvre à partir de 1735, avec la nomination du gouverneur Bertrand-François Mahé de la Bourdonnais. Grand administrateur, aux idées, audacieuses, Mahé de la bourdonnais prend des décisions qui conditionnent encore la vie de l’île ! Il abandonne le Port sud-Est et fait de Port-Louis la « capitale » et le port principal de l’île. Il encourage l’importation d’esclaves africains : cette main d’œuvre servile permet de développer les plantations de café et réalise les importants travaux d’aménagement entrepris par le Gouverneur. Il fait également venir quelques artisans indiens des comptoirs français.

Mahé de la Bourdonnais a également perçu l’intérêt stratégique de l’île, idéalement placée pour contrôler la route des Indes. Il organise donc les défenses de l’île et fait de Port-Louis une base navale importante.
Les Anglais tolèrent mal la présence de cette place forte française sur l’itinéraire de leurs navires marchands… L’océan Indien sera donc le théâtre de violentes batailles navales. Au mois d’août 1810, les Anglais tentent de débarquer à Mahébourg, mais sont repoussés par les frégates françaises, lors de la bataille navale de Vieux Grand-Port. Seule victoire navale de l’Empire napoléonien sur la Royal Navy, le nom de cette bataille est gravé sur l’Arc de Triomphe, à Paris ! Mais les anglais n’ont pas renoncé !S’étant emparé de Rodrigues, ils vont y masser une importante force d’invasion qui leur servira d’abord à conquérir Bourbon (La Réunion), puis à effectuer un débarquement massif sur deux points des côtes de l’Isle de France, qui capitulera le 03 décembre 1810.

L’esclavage aboli par les Anglais

Si le Traité de Vienne, qui liquide l’empire de Napoléon, restitue Bourbon à la France, l’Isle de France, redevenue Mauritius, Rodrigues et les Seychelles, deviennent officiellement colonies britanniques. Mais les Anglais sont peu nombreux sur l’île et les colons sont tous d’origine française… L’administration britannique accepte donc d’importants compromis : la pratique du français est tolérée et le Code Civil est maintenu.

En 1833, ce sont les Anglais qui mettent fin à l’esclavage sur l’île. Mais en contrepartie, ils accordent le droit, aux propriétaires terriens, de faire venir d’Inde, une main d’œuvre « engagée ». Recrutés sur les côtes indiennes pour venir cultiver la canne à sucre à Maurice, ces ouvriers, qui bénéficient pourtant d’un contrat prévoyant salaire et possibilité de retour en Inde après quelques années à Maurice, vivent, en fait, dans des conditions bien proches de celles jusque-là réservées aux esclaves… et bien peu auront la possaibilité de faire valoir leur droit au retour vers la terre natale. En quelques décennies, cette communauté indienne formera la composante démographique la plus importante de l’île. Les descendants de ces « coolies » indiens seront à la pointe des luttes sociales qui secoueront l’île entre 1930 et 1960.

Influencé par la gauche européenne et par la doctrine non-violente de Gandhi, leur mouvement se structurera au sein d’un parti politique, le Parti Travailliste, qui deviendra rapidement l’interlocuteur des autorités coloniales. C’est donc tout naturellement que Londres se tournera vers les leaders de ce parti pour négocier l’accession à l’indépendance. Un référendum donnera la majorité aux partisans de l’île Maurice indépendante et souveraine mais, craignant une hégémonie de la communauté hindoue, les leaders d’autres communautés rejetèrent ces résultats. De violents affrontements eurent lieu et ne cessèrent qu’avec l’intervention de l’armée anglaise et le ralliement des principaux opposants à l’indépendance. Le souvenir de ces violences reste très présent dans la mémoire collective mauricienne et chacun s’attache à préserver l’unité nationale.

L’indépendance, un pari risqué

Le 12 Mars 1968, l’île Maurice accède donc à l’indépendance… Mais, malgré la fierté légitime de la population, les perspectives économiques sont désastreuses : pas de matières premières, pratiquement pas d’industries, une agriculture presque exclusivement vouée à la canne, des infrastructures limitées, une démographie galopante, un niveau d’instruction très faible et une situation sanitaire peu enviable… Certains experts annoncent déjà la famine et le chaos !

Mais au cours des quinze années qui suivent l’indépendance, l’île Maurice va opérer des choix économiques et politiques qui, s’ils contredisent souvent les « recommandations » du Fonds Monétaires International, vont pourtant permettre l’émergence d’un modèle économique performant, qui permettre au pays de connaître un développement remarquable !

Grâce aux accords préférentiels négociés avec l’Europe, le sucre mauricien va profiter de prix de vente garantis particulièrement avantageux.
Sous l’impulsion du « Père de la Nation », le premier Premier ministre du pays, Sir Seewoossagur Ramgoolam, l’éducation et la santé sont gratuites ! Grâce à la vision (et au carnet d’adresses) de Sir Gaëtan Duval, les premiers hôtels sont créés…
Les zones franches, qui créent de nombreux emplois, permettent également de mettre sur pied une industrie tournée vers l’exportation, et donc pourvoyeuses de devises étrangères…

Un avenir en préparation

A Maurice, comme partout dans le monde, les contrecoups de la sévère crise financière internationale actuelle se font sentir. Mais le pays a pourtant su préserver un niveau de croissance enviable. Cette réussite est sûrement liée au dynamisme économique de cette petite île de l’océan Indien : depuis quelques années, le secteur financier, les technologies de l’information et de la communication et la transformation des produits de la mer y ont pris le relais de la monoculture sucrière, du tourisme et du textile. A noter aussi le secteur immobilier grâce à la construction de superbes villas de luxe un peu par tout dans l’Ile Maurice.
Et l’on ne cesse de s’interroger, ici, sur les nouveaux secteurs qui pourront, demain, consolider le niveau de vie d’une population toujours plus nombreuse.

Un patrimoine historique encore peu connu

Des lagons somptueux, des plages magnifiques, de superbes palaces et une population accueillante… C’est sur ces quatre piliers que s’est construite l’excellente réputation de l’île Maurice. Si rien de tout cela n’est faux, il serait pourtant dommage de s’arrêter à ces quelques atouts. Les visiteurs étrangers sont de plus en plus nombreux à en prendre conscience, et parmi les aspects de notre île qu’ils souhaitent mieux découvrir, le patrimoine historique tient une place prépondérante.

Dans un pays multi-ethnique, la relation à l’histoire est forcément compliquée… Chaque épisode historique se rapporte plus particulièrement à une communauté et sa célébration peut être perçue comme exclusive. Et quand, cette histoire est, de plus, marquée par la violence coloniale, l’esclavage et la déportation, on comprend que les symboles soient maniés avec précaution…Cela explique, sans doute, pourquoi pendant si longtemps, l’île Maurice restait si discrète sur son passé ancien, pour ne célébrer que les réussites de l’après indépendance. Pour le reste, quelques clichés, comme la disparition du dodo, l’odyssée de Paul et Virginie, l’administration de Mahé de la Bourdonnais, la victoire napoléonienne de Vieux Grand-port, ou les exploits du corsaire Surcouf semblaient suffire…

Depuis presque quinze ans, la simplicité de ces images ne satisfait plus, ni la curiosité des touristes étrangers, qui ont appris à s’intéresser aux réalités des pays qu’ils visitent, ni celle d’un nombre croissant de citoyens Mauriciens, désireux de mieux comprendre leur destin commun. L’affirmation internationale d’un « devoir de mémoire » a donc trouvé, ici aussi, un écho favorable, stimulant les recherches historiques, les fouilles archéologiques et les projets de restauration ou de préservation de « lieux de mémoire ». Ces préoccupations, relativement nouvelles, ici, ont été fortement encouragées par l’inscription de deux sites mauriciens à la liste du « Patrimoine de l’humanité » de l’UNESCO : le Morne Brabant et l’Aapravasi Ghat ! On ne s’étonnera donc pas de trouver ces deux sites en tête de la liste des sites historiques à visiter sur l’île Maurice:

Le Morne Brabant

Situé au sud de l’île, le Morne Brabant est un énorme promontoire rocheux qui surgit brutalement et occupe l’essentiel d’une petite péninsule. Géologiquement remarquable, ce piton doit sa renommée au rôle qu’il aurait joué dans l’épopée du marronnage… Si l’on en croit la légende, son sommet a longtemps servi de refuge inexpugnable aux esclaves évadés. C’est une véritable communauté rebelle qui se serait ainsi établie sur le Morne Et quand, quelques jours après la proclamation officielle de l’abolition de l’esclavage à Maurice par les autorités coloniales britanniques, ces esclaves marrons aperçurent un groupe de soldats venant à leur rencontre, ils pensèrent que l’on venait les capturer et ils préférèrent se suicider en se jetant du haut de la falaise…Alors que le détachement anglais venait leur annoncer qu’ils étaient libres…Si les recherches documentaires et les fouilles archéologiques sont encore loin de confirmer la véracité de la légende, la place centrale qu’occupe le Morne dans l’imaginaire collectif lui confère un rôle essentiel, dans un pays où l’abomination de l’esclavage a longtemps été minorée…

L’Aapravasi Ghat

Avec l’Aapravasi Ghat de Port-Louis, c’est la mémoire de ces milliers d’Indiens déportés sur l’île qui est célébrée ! Razziés dans les villes côtières de la péninsule indienne, ou plus ou moins embarqués de force, ils étaient débarqués dans cet austère bâtiment du port mauricien. C’est là, leur identité dûment enregistrée –et leurs noms souvent écorchés par les fonctionnaires anglais- qu’ils étaient assignés aux diverses plantations où ils venaient remplacer les esclaves…

Mais si l’UNESCO a, à juste titre, consacré ces deux sites, comme deux versants d’une même histoire (celle du sucre !), l’île regorge de vestiges, plus ou moins spectaculaires.

Dans toutes les agglomérations, on trouve encore (mais pour combien de temps ?) ces élégantes bâtisses en bois qui ont résisté à des dizaines de cyclones ! Construites par les charpentiers de marine pendant toute la période coloniale, elles sont de toutes les tailles… Les plus imposantes sont vite parées du titre de « Château ». Les plus modestes, en ville, sont parfois si humbles que l’on ne les devine qu’à peine…A Port-Louis, la rue Saint-Georges, qui est celle de l’ambassade de France, en compte quelques-unes absolument remarquables !

Une histoire d’abord navale

Egrenées sur le littoral, trois des cinq Tours Martello construites par les Anglais sont toujours debout. Et celle de la Preneuse, près de Tamarin, a été convertie en petit musée. Impressionnés par la résistance qu’opposa à leurs navires la petite tour de la baie corse de Martella, les Britanniques en érigèrent sur toutes les côtes de leur empire, du Canada à l’Australie… mais en déformant leur nom !!! Ces petites tours rondes, de 12 mètres de haut, pouvaient abriter 25 hommes de troupe et recevoir, en terrasse, une grosse pièce d’artillerie pouvant pivoter à 360° ! La Preneuse, justement, qui doit son nom à une frégate française qui, prise en chasse par les navires Anglais, vint se réfugier dans le lagon…

Car l’histoire de l’île, et c’est bien normal, est d’abord navale… Comme le rappelle justement le musée de Mahébourg !
Entre autres trésors, on peut y admirer des pièces délicates de porcelaine du Banda ! Navire amiral d’une petite flotte hollandaise qui fit escale à Maurice en revenant de Java, le banda fut pris dans un cyclone et coula près de la côte ouest de Maurice. A son bord, se trouvait Peter Both, qui, quelques années auparavant, avait été le premier Gouverneur de l’île ! Il trouva la mort dans le naufrage…Le musée garde aussi le témoignage de la furieuse bataille de Grand-Port Sud Est, la seule victoire de la marine napoléonienne sur la Royal Navy ! Robert Surcouf et l’importante activité corsaire de Maurice y sont aussi largement évoqués !

Paul et Virginie

Sur le côte Est, à Poudre d’Or, une stèle commémore le naufrage du Saint-Géran, qui eut lieu sur le récif corallien, une nuit de gros temps…Et que Bernardin de Saint-Pierre s’appropria dans son roman bucolique « Paul et Virginie » : l’imagination de l’auteur y fait périr la belle et douce Virginie, qui préfère la mort à la honte d’avoir à se dévêtir pour sauver sa vie ! Ni Paul, ni Virginie n’ont réellement existé…et pourtant, le Saint-Géran n’est connu que grâce aux aventures imaginaires des deux jeunes gens ! Un peu plus au nord, à Bain Bœuf, un autre discret monument marque l’emplacement du débarquement principal des Anglais, lors de leur conquête de l’île, en décembre 1810.

Une conquête longtemps fragile, comme en témoigne le Fort Adélaïde, surnommé La Citadelle, et qui surplombe Port-Louis. Cette forteresse, longtemps hérissée de canons menaçant n’avait qu’un objectif : faire échec à toute rébellion de la capitale !

Comme on le voit, l’histoire de notre petite île tropicale n’a pas toujours été calme et pacifique. Sous les frondaisons d’une végétation exubérante, au détour d’une route de campagne et le long du littoral, les témoignages passionnants de ce passé mouvementé ne manquent pas. Il suffit de chercher un peu…